En vertu de l’article L 480-4 du code de l’urbanisme, le fait de réaliser des travaux (construction/aménagement/démolition) sans autorisation d’urbanisme préalable est constitutif d’une infraction pénale.
Le maire de la commune dispose, à cet égard, d’un certain nombre de pouvoirs.
Toutefois, dans l’hypothèse où l’autorité administrative ne réagirait pas, plusieurs voies s’offrent à vous : vous avez la possibilité d’engager des actions administrative, civile et/ou pénale qu’il sera parfois judicieux de cumuler.
Attention : chacune de ces actions répond à des règles différentes, notamment en matière de prescription.
Procédures administratives
Avant toute autre démarche, il vous faut adresser au maire de la commune un courrier recommandé avec accusé de réception lui demandant de prendre des mesures administratives pour mettre fin aux travaux réalisés illégalement.
En cas de refus exprès ou tacite (l’absence de réponse vaut rejet de la demande), vous pourrez alors exercer un recours en annulation à l’encontre de cette décision de refus devant le juge administratif.
Dans certains cas, il vous sera également possible d’exercer des recours en référé.
/!\ A l’exception du référé conservatoire, tout recours devra être intenté dans un délai de deux mois à compter du jour où la décision expresse ou tacite de refus est intervenue.
Les procédures de référé
La procédure de référé est une procédure rapide qui nécessite généralement qu’il soit démontré une condition d’urgence.
Le référé conservatoire – art. L 521-3 du CJA
En l’absence de réaction de la part de l’administration, il vous est possible de saisir le juge du référé conservatoire afin qu’il ordonne au maire de prendre une “mesure utile” (par exemple un arrêté interruptif de travaux : CE, 6 février 2004, n° 256719).
Cette procédure est intéressante si l’interruption des travaux est importante au point que vous ne pouvez attendre la réponse du maire (qui peut survenir jusqu’à deux mois après votre demande).
/!\ L’exercice du référé conservatoire est conditionné par l’absence d’obstacle à une décision administrative : vous ne devez donc avoir reçu aucune réponse implicite ou explicite de refus de la part de l’administration pour pouvoir intenter ce recours.
Le référé suspension – art. L 521-1 du CJA
Si après avoir enjoint au maire de prendre un arrêté interruptif de travaux celui-ci ne donne pas suite à votre demande (décision implicite ou explicite de refus), vous pouvez attaquer cette décision par un référé suspension. Le juge pourra prendre une ordonnance enjoignant au maire de prendre un arrêté interruptif de travaux.
/!\ Cette procédure est soumise à deux conditions cumulatives : la nécessité d’interrompre les travaux doit présenter un caractère d’urgence et l’illégalitédes travaux entrepris ne soit soulever aucun doute sérieux. Lorsque les travaux sont réalisés sans autorisation, l’urgence est toutefois présumée (CE, 9 juin 2004, n° 265457).
Par ailleurs, cette procédure doit nécessairement être introduite en parallèle d’une procédure d’annulation de la décision de refus dite « procédure au fond ».
Le recours en annulation (ou recours pour excès de pouvoirs (REP))
Vous avez la possibilité d’exercer un recours pour excès de pouvoir afin de demander au juge administratif l’annulation de la décision du maire refusant de constater l’infraction ou de prendre un arrêté interruptif de travaux.
Si l’infraction est constituée, le juge administratif pourra :
- annuler la décision de refus du maire ;
- enjoindre au maire de dresser un procès-verbal de l’infraction et de le transmettre au ministère public ;
- enjoindre au maire de prendre un arrêté interruptif de travaux.
L’action indemnitaire (ou recours de plein contentieux)
Dans le cas où l’inaction du maire vous aurait causé un préjudice direct et certain, vous avez la possibilité de demander au juge administratif des dommages et intérêts.
En effet, l’inaction du maire face à une infraction de ce type peut constituer une carence fautive susceptible d’engager la responsabilité de l’Etat (CE, 21 octobre 1992, Guedeu, n° 31728).
Procédures civiles
En dehors de tout recours dirigé contre l’inaction du maire de la commune, vous pouvez exercer une action devant le juge judiciaire afin d’obtenir des dommages et intérêts, la mise en conformité de l’ouvrage illicite avec les règles d’urbanisme d’applicables voire sa démolition.
/!\ En tant que garant du droit de propriété, le juge judiciaire est le seul compétent pour ordonner la démolition d’un ouvrage.
Ici, encore plusieurs actions s’offrent à vous.
Le référé judiciaire
Vous avez la possibilité de saisir le juge judiciaire des référés sur le fondement de l’article 835 du code de procédure civile afin qu’il prescrive des mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
L’action en responsabilité extracontractuelle
La responsabilité de votre voisin peut être engagée sur le fondement de l’article 1240 du code civil à la double condition qu’il ait commis une faute et que cette faute vous cause un préjudice personnel et direct (Cass. 3e civ, 26 sept 2007, n° 04-20.636).
Dans le cas d’une construction édifiée sans autorisation d’urbanisme régulière, la faute ne sera caractérisée que si l’ouvrage viole une des règles de fond prévues par les documents locaux d’urbanisme ou le règlement national d’urbanisme (RNU), y compris les règles dites “permissives” (Cass. 3e civ., 28 mars 2001 n°420). Le juge peut ordonner la démolition de l’ouvrage et vous accorder des dommages et intérêts.
A titre indicatif, la Cour de Cassation a récemment jugé qu’un empiétement minimal n’était plus susceptible d’entraîner systématiquement une démolition : il appartient donc aux juges d’appliquer une sanction proportionnée aux conséquences et aux intérêts et droits en présence (3ème civ, 19 décembre 2019, n° 18-25113).
Cette action se prescrit sous 5 ans à compter du jour où vous avez connu ou auriez dû connaître les faits vous permettant de l’exercer.
L’action pour troubles anormaux de voisinage
Contrairement à l’action en responsabilité extracontractuelle, la seule infraction aux règles d’urbanisme ne suffit pas à créer un trouble anormal du voisinage (Cass. 3e civ., 17 janvier 2019, n° 17-27.670).
Peu importe, l’existence ou l’inexistence d’une autorisation d’urbanisme, son caractère régulier ou la méconnaissance de règles d’urbanisme (Cass. 3e civ., 7 décembre 2017, n° 16-13.309). De même qu’il n’est pas nécessaire de démontrer l’existence d’une faute commise par votre voisin.
Le juge pourra ordonner des mesures de mise en conformité ou de démolition et/ou vous accorder des dommages et intérêts dans le cas où vous arriveriez à démontrer que l’existence d’un ouvrage ou l’usage qui en est fait excède les inconvénients normaux de voisinage.
Cette action se prescrit sous 5 ans à compter du jour où vous avez connu ou auriez dû connaître les faits vous permettant de l’exercer.
L’action en violation d’un droit réel
Si les travaux réalisés par votre voisin touchent à votre droit de propriété (empiétement, violation d’une servitude, …), vous pouvez exercer, sur le fondement de l‘article 2227 du code civil, une action en démolition.
Cette action se prescrit sous 30 ans à compter du jour où vous avez connu ou auriez dû connaître les faits vous permettant de l’exercer.
Procédure pénale
Il vous est possible de porter plainte et de vous constituer partie civile devant le juge pénal sur le fondement de l’article L. 480-4 du code de l’urbanisme.
Votre voisin encourra une amende dont le montant peut être conséquent ainsi qu’en cas de récidive, une peine d’emprisonnement.
Le juge pénal pourra ordonner la démolition de l’ouvrage au titre de la réparation du dommage subi par la partie civile.
L’action pénale se prescrit sous 6 ans après l’achèvement des travaux.
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