Par un jugement du 30 mars 2021, le tribunal administratif de Toulouse a prononcé l’annulation totale de la délibération du conseil métropolitain de Toulouse Métropole en date du 11 avril 2019 approuvant le plan local d’urbanisme intercommunal – habitat (PLUi-H).
Par le même jugement, le tribunal a décidé de surseoir à statuer sur la question relative aux effets de cette annulation.
Decision-PLUiH-du-30-mars-2021
Ces effets ont finalement été déterminés par un jugement du 20 mai 2021, par lequel le tribunal a décidé « qu’il n’y a pas lieu de moduler les effets dans le temps de l’annulation prononcée par le jugement du 30 mars 2021 ».
Le 10 juin 2021, prenant acte des décisions du tribunal, Toulouse Métropole a rendu publique, sur son site internet, une Foire aux questions (FAQ) portant sur les conséquences de l’annulation du PLUi-H sur les autorisations d’urbanisme.
Saluons tout de suite les réponses apportées qui, en plus de répondre à un véritable besoin, sont claires et concises.
Ainsi, il est indiqué que l’annulation du PLUi-H a eu pour effet de remettre en vigueur les plans d’occupation des sols (POS) et les plans locaux d’urbanisme (PLU) de chaque commune antérieurs à l’approbation dudit PLUi-H (FAQ, point 1). Il s’agit là de la mise en œuvre de l’article L. 600-12 du code de l’urbanisme.
De même, il est précisé (FAQ, point 2) qu’à compter de l’annulation du PLUi-H, les décisions prises sur les demandes d’autorisation d’urbanisme ne pourront être fondées que sur les documents d’urbanisme de chaque commune remis en vigueur, et ce quel qu’ait été le document d’urbanisme en vigueur lors de la présentation de la demande du pétitionnaire (en ce sens v. CE, sect., 7 mars 1975, Cne de Bordères-sur-L’Echez, n° 91411).
En revanche, la date de prise d’effet de l’annulation du PLUi-H qui a été retenue par la métropole toulousaine pose question.
A la lecture de la FAQ, il ressort que cette date est le 20 mai 2021, date de la décision par laquelle le tribunal administratif a statué sur les effets dans le temps de l’annulation prononcée le 30 mars 2021.
En conséquence, selon Toulouse Métropole, les documents d’urbanisme immédiatement antérieurs propres à chaque commune ne sont remis en vigueur – et donc ne redeviennent opposables aux demandes d’autorisation d’urbanisme – qu’à compter du 20 mai 2021.
Il est cependant permis d’en douter, eu égard au caractère immédiat de l’annulation prononcée le 30 mars 2021.
En effet, il est acquis que l’annulation d’un acte administratif a en principe un effet rétroactif, l’acte étant réputé comme n’étant jamais intervenu (CE 26 déc. 1925, Rodière, n° 88369) et immédiat, c’est-à-dire, à compter de la date de lecture du jugement prononçant l’annulation et non à compter de la notification de celui-ci (CE, sect., 8 juill. 1998, Min. du Budget, n° 142444).
En matière d’urbanisme, le Conseil d’État a ainsi jugé que l’annulation d’un document d’urbanisme prend effet dès la date de lecture du jugement prononçant l’annulation (CE 18 déc. 2009, M. et Mme Abraham et a., n° 307272) ; à compter de cette date, le document d’urbanisme antérieur est donc remis en vigueur, en application de l’article L. 600-12 du code de l’urbanisme (CE 12 mars 2012, SCI LA LARGE VOIE, n° 345541).
Il est vrai qu’en vertu de la jurisprudence issue de la décision « Association AC ! », le juge administratif a la possibilité de moduler les effets de cette annulation (CE, ass., 11 mai 2004, Assoc. AC !, n° 255886), en prévoyant par exemple, de reporter la date d’effet de l’annulation prononcée (par ex., CE, sect., 25 févr. 2005, France Telecom, n° 247866 ; CE 16 mai 2008, Dpt du Val-de-Marne et a., n° 290416).
Mais comme le précise la décision « Association AC ! », la possibilité de moduler les effets de l’annulation présente un caractère « exceptionnel », réservé aux cas où l’effet rétroactif de l’annulation peut entraîner des conséquences manifestement excessives soit en raison des effets que cet acte a produits soit eu égard à l’intérêt général pouvant s’attacher à un maintien temporaire de ses effets.
Le principe demeure donc celui du caractère rétroactif et immédiat de l’annulation.
Par ailleurs, d’un point de vue procédural, le juge peut – et c’est l’hypothèse la plus fréquente – par une seule et même décision, prononcer l’annulation d’un acte et statuer sur la date d’effet de cette annulation.
Mais le juge dispose également de la faculté de procéder en deux temps, faculté dont a fait usage le tribunal administratif de Toulouse en l’espèce : il peut, par une première décision, prononcer l’annulation et surseoir à statuer sur la date d’effet de cette dernière jusqu’à ce que les parties aient débattu de la nécessité d’une limitation dans le temps de ces effets ; par une seconde décision, le juge détermine ensuite les effets dans le temps de l’annulation (v. par ex., CE 4 juill. 2012, Fédération nationale des transports routiers, n° 337698, puis CE 15 mai 2013, Fédération nationale des transports routiers, n° 337698).
La mise en œuvre de cette procédure en deux temps pose alors une question : lorsque le juge décide in fine de ne pas moduler les effets de l’annulation, la date de prise d’effet de cette annulation est-elle la date de la décision par laquelle le juge la prononce ou la date de celle par laquelle il refuse d’en moduler les effets ?
Toulouse Métropole, on l’a dit, considère que c’est cette dernière date qu’il convient de retenir.
L’on peut cependant penser que c’est plutôt à la première date que l’annulation prend effet, c’est-à-dire, le 30 mars 2021.
En effet, le refus par le tribunal de moduler les effets de l’annulation du PLUi-H dans le temps, entraîne la soumission de ces effets au régime de droit commun rappelé ci-dessus : l’annulation développe ses effets rétroactivement et prend effet dès la date de lecture du jugement la prononçant, soit le 30 mars 2021.
A l’inverse, retenir le 20 mai 2021 comme date de prise d’effet de l’annulation du PLUi-H revient de facto à différer de plusieurs semaines l’annulation prononcée le 30 mars 2021 et, corrélativement, à moduler les effets de cette annulation dans le temps, en contrariété avec le dispositif de la décision du tribunal en date du 20 mai 2021.
Par conséquent et en application des dispositions de l’article L. 600-12 du code de l’urbanisme, sauf cas particulier de l’éventuelle cristallisation des règles d’urbanisme dans des lotissements autorisés sous l’empire du PLUi-H (v. FAQ, point 4), entre le 30 mars 2021 et le 20 mai 2021, les décisions sur les demandes d’autorisation d’urbanisme auraient dû être prises au regard des POS ou des PLU antérieurs propres à chaque commune.
Pour autant, il est probable que des maires auront opposé le PLUi-H durant cette période, ce qui n’est guère surprenant. En effet, la décision de sursis à statuer a en quelque sorte laissé « en suspens » la détermination des effets de l’annulation prononcée (D. Connil, « Modulation des conséquences et conséquences de la modulation », AJDA 2013. 1876) et donc la nature du document d’urbanisme applicable.
Toutefois, l’incertitude s’est dissipée avec la décision du 20 mai 2021 : l’annulation prononcée le 30 mars 2021 produit un effet immédiat à cette date.
Dans l’hypothèse où des décisions individuelles (favorables ou défavorables) auraient été prises entre le 30 mars 2021 et le 20 mai 2021 sur le fondement du PLUi-H de Toulouse Métropole, les maires conservent la possibilité de retirer ces décisions.
La situation des maires ici peut être rapprochée de la configuration classique dans laquelle ils se trouvent entre la date du prononcé de l’annulation d’un document d’urbanisme et la date de notification de la décision juridictionnelle à ladite autorité.
En pareil cas, lorsque les autorisations accordées ne sont pas conformes au document d’urbanisme remis en vigueur à la date du prononcé de l’annulation, une réponse ministérielle préconise de faire usage de la faculté de retrait prévue à l’article L. 424-5 du code de l’urbanisme (Rép. min. n° 04826 : JO Sénat 20 déc. 2018, p. 6595).
En somme, la question de la date de prise d’effet de l’annulation du PLUi-H de Toulouse Métropole mérite à tout le moins d’être posée. Peut-être le juge administratif sera-t-il amené à la trancher, s’il s’avère que ce document a effectivement servi, entre le 30 mars 2021 et le 20 mai 2021, de référence pour statuer sur les demandes d’autorisation d’urbanisme.