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Marché public et DGD tacite : mode d’emploi

Point d’étape – CE, 7 juin 2024, n°490468, mentionné aux Tables et CAA de TOULOUSE, Juge des référés, 18/09/2024, 24TL01116

Une ordonnance de la cour administrative d’appel de Toulouse en date du 18 septembre 2024 est l’occasion de faire un rappel des conditions relatives à l’établissement d’un décompte général définitif tacite.

Cette possibilité est désormais prévue par le CCAG travaux 2021 – qui reprend le CCAG travaux de 2009 modifié par l’arrêté du 3 mars 2014 – en son article 12.4.4 afin d’offrir une solution extrajudiciaire face à l’inertie du maître d’ouvrage.

Ce mécanisme d’acceptation tacite du décompte général établi par le titulaire, est toutefois encadré par les dispositions dudit CCAG et leur interprétation jurisprudentielle.

Ainsi, le titulaire doit veiller à respecter scrupuleusement la procédure afin de pouvoir prétendre bénéficier de ce décompte général devenu tacitement définitif.

1. En premier lieu, il convient d’établir le point de départ de la procédure d’établissement du décompte général définitif. Ce dernier est fixé à la date « d’achèvement des travaux » par l’article 12.3.1 du CCAG travaux 2021.

En présence de réserves, quelle est la date d’achèvement des travaux ?

  • L’existence de réserves (CE, 8 décembre 2020, n°437983, Société Sogetra, mentionné aux Tables) :
    • En cas de réception, avec réserves, la réception est réputée avoir eu lieu dès le prononcé de cette décision et donc, le délai pour établir le projet décompte final débute immédiatement.
    • En cas de réception sous réserve, la réception ne sera réputée acquise qu’après la levée de l’ensemble des réserves, le point de départ du délai pour établir le décompte final sera alors subordonné à la levée des réserves.
  • Les conséquences de l’envoi prématuré du projet de décompte final par le titulaire (CE, 1er juin 2023, n°469268, CHU Grenoble Alpes, mentionné aux Tables) : si le titulaire envoie le projet de décompte final avant le procès verbal de réception des travaux (ou encore dans l’hypothèse d’une réception sous réserve), les délais sont réputés ne pas avoir commencé à courir à l’égard du maître d’œuvre et du maître d’ouvrage pour l’établissement du décompte général. Ainsi, aucun décompte général définitif tacite ne pourra naître, les délais n’étant opposables au maître d’ouvrage et au maître d’œuvre.

2. Une fois la procédure engagée, la première étape sera celle de l’établissement d’un projet de décompte final par le titulaire du marché conformément aux stipulations de l’article 12.3.1 du CCAG.

Quelles sont les conséquences d’un projet de décompte final incomplet ?

Le caractère incomplet du projet de décompte final fait échec au commencement des délais applicables à l’égard du maître d’œuvre et du maître d’ouvrage dans le cadre de la procédure, et donc, par voie de conséquence, à l’établissement d’un décompte général définitif tacite.

Voir en ce sens pour exemple :

Cour administrative d’appel de Nantes, 4ème Chambre, 14 juin 2024, n°23NT00606, inédit au recueil Lebon : absence des calculs des quantités prises en compte pour aboutir aux montants énumérés, et des calculs et justifications des coefficients d’actualisation ou de révision des prix applicables ;

Cour administrative d’appel de Versailles, 16 septembre 2022, n°22VE00578 : décompte final incomplet (absence du montant des travaux pour la levée de la réserve) qui a fait l’objet de précisions ultérieures, le délai de 30 jours commence alors à partir de la transmission de ces précisions ;

 – Tribunal administratif de Strasbourg, 7 décembre 2023, n°2305466 : absence d’indication de la nature et du montant des travaux réalisés par les sous-traitants.

3. La seconde étape de la procédure est celle de l’envoi, par le titulaire, du projet de décompte final, simultanément au maître d’œuvre et au représentant du maître d’ouvrage, dans un délai de 30 jours à compter de la réception des travaux, en application de l’article 12.3.2 du CCAG et par tout moyen permettant de déterminer de façon certaine la date de la réception (notamment par le biais du profil acheteur).

Quelles sont les conséquences du non-respect des règles relatives à la notification du projet de décompte final ?

En l’absence de notification, à l’égard d’une des parties susmentionnées, aucun délai relatif à l’établissement du décompte général ne débute (CE, 25 juin 2018, n°417738, Société Merceron travaux publics, mentionné aux Tables).

4. Ainsi, le maître d’œuvre acceptera ou rectifiera ce projet de décompte final ce qui fera naître le décompte final. En suivant, le maître d’œuvre établira le projet de décompte général qu’il transmettra au maître d’ouvrage qui l’acceptera ou le rectifiera. Cette décision donnera naissance au décompte général qui devra être envoyé au titulaire dans un délai de 30 jours à compter de la réception la plus tardive de la demande de paiement finale transmise par le titulaire, en application de l’article 12.4.2 du CCAG.

Tout décompte général, même irrégulier, interrompt-il la procédure de décompte général définitif tacite ?

L’envoi, dans ce délai de 30 jours, d’un décompte général, par le maître d’ouvrage, même irrégulier, c’est-à-dire en violation de la procédure prévue par l’article 12.4 du CCAG travaux, fait échec à la naissance d’un décompte général définitif tacite (CE, 9 novembre 2023, n°469673, Société transport tertiaire industrie, mentionné aux Tables : en l’espèce la notification avait été faite par le maître d’œuvre).

5. Passé ce délai et en l’absence de transmission du décompte général, le titulaire pourra alors notifier au maître d’ouvrage, en mettant le maître d’œuvre en copie, le projet de décompte général, qui devra nécessairement se trouver accompagné du projet de décompte final, du projet récapitulatif des acomptes mensuels, et du projet d’état des soldes, en application de l’article 12.4.4 du CCAG travaux 2021.

En application de l’article susvisé, en l’absence de réponse sous 10 jours (en application de l’article 3.2.2 du CCAG, le délai s’entend en jours calendaires et il expire à minuit le dernier jour du délai), de la part du maître d’ouvrage, ce dernier sera alors réputé être un décompte général définitif – tacite –.

A quel moment commence le délai de paiement en présence d’un décompte général définitif tacite ?

En application de l’article 12.4.4 du CCAG, le délai de paiement du solde court à compter du lendemain de l’expiration du délai précité. C’est donc cette date qui sera prise en considération pour le calcul des intérêts moratoires (le taux des intérêts moratoires correspond « au taux d’intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations principales de refinancement les plus récentes, en vigueur au premier jour du semestre de l’année civile au cours duquel les intérêts moratoires ont commencé à courir, majoré de huit points de pourcentage » – R. 2192-31 du code de la commande publique).

6. En cas de difficultés rencontrées au cours de l’exécution de ce décompte général définitif tacite, le titulaire du marché pourra saisir le juge des référés, statuant sur le fondement de l’article R.541-1 du code de justice administrative, pour obtenir le versement d’une provision.

Voir en ce sens pour exemple :

CAA de TOULOUSE, Juge des référés, 18/09/2024, 24TL01116 :

L’ensemble de la procédure prévue à l’article 12.4.4 précité ayant été respecté par le titulaire du marché, la cour a accueilli la demande de provision accompagnée d’intérêts moratoires présentée par la société requérante. La cour rappelle que le décompte général définitif constitue bien une obligation non sérieusement contestable au sens de l’article R.541-1 du code de justice administrative. Le simple refus par le maître d’ouvrage d’accorder la somme réclamée dans le projet de décompte final transmis par la société ne peut donner un caractère contestable à l’obligation de règlement du décompte général définitif.

Les règles régissant le règlement des différends prévues par le CCAG sont-elles applicables dans le cadre d’un recours aux fins d’exécution du décompte général définitif tacite ?

La saisine du juge intervient en dehors de l’exécution du contrat liant le titulaire et le maître d’ouvrage, du fait de la naissance d’un décompte général définitif. Ainsi, le titulaire n’est pas soumis aux règles régissant le règlement des différends fixées par l’article 55.1 du CCAG travaux comme vient tout juste de le préciser le Conseil d’Etat (CE, 7 juin 2024, n°490468, mentionné aux Tables).